La guerre des smartphones : une étude comparative

Windows phone rattrape-t-il ses concurrents iOS et Android en termes de User Experience sur smartphone ?

Pour répondre à cette question, notre étude a consisté à comparer  les systèmes d’exploitations des Smartphones les plus célèbres – iOS et Android à celui de Windows Phone Mobile 7.5 et son interface « metro ». Windows Phone Mobile 7.5 (la version 7 adoptée en 2011) a essayé de se démarquer  de ses concurrents par son graphisme et l’organisation notamment de son écran d’accueil avec ses tuiles thématiques colorées plus grandes que les classiques icônes utilisées par iOS et Android.  Le but  de cette étude était de mesurer l’utilisabilité  et le positionnement de Windows 7.5 par rapport à ses concurrents  et d’évaluer les forces et les faiblesses des systèmes d’exploitation face à différentes tâches. Par ailleurs, nous souhaitions obtenir des données quantitatives sur la satisfaction des utilisateurs lors de l’utilisation de ces systèmes.

Le protocole du Test utilisateurs

Nous avons constitué une population de 12 utilisateurs. Ces utilisateurs devaient posséder et utiliser un Smartphone ayant un des deux systèmes d’exploitation, iOS (6 utilisateurs) ou Android (6 autres utilisateurs), sans connaître l’autre OS. Aucun des utilisateurs ne connaissait Windows mobile (7.5). A l’issue des tests nous souhaitons identifier si l’un des deux groupes est plus à l’aise avec Windows 7.5 et si ce dernier se révèle plus satisfaisant que les Smartphones possédés par les participants.

Les utilisateurs testent l’ergonomie des smartphones dans le LudoLab

Les utilisateurs testent l’ergonomie des smartphones dans le LudoLab

Pour ce test nous avons visé des « accros familiers à l’utilisation des Smartphones ». Les utilisateurs recrutés sont des « hyper-connectés », c’est-à-dire qui disposent d’un forfait avec connexion internet. Ils naviguent régulièrement le web, partagent des informations via les réseaux sociaux, utilisent d’autres services tel que la géolocalisation ou Instagram.

Chaque utilisateur a réalisé deux séries de tâches, en utilisant les deux systèmes d’exploitation qu’il ne connait pas : Windows 7.5 (pour tous les participants) et iOS ou Android (en fonction de son profil).

Les tâches

Six scénarios ont été élaborés afin de couvrir six types de tâches, parmi les plus courantes.

Liste des tâches

Tableau des tâches réalisées

Les six tâches ont été regroupées en deux séries de trois :

  • Série 1 : Scénario 1 à 3 avec un premier Smartphone
  • Série 2 : Scénario 4 à 6 avec un second Smartphone

Trois Smartphones avec des OS différents ( iOS, Androïd, Windows 7.5) ont été mis donc à disposition des participants.

Après la réalisation de chaque tâche, il était demandé aux testeurs d’indiquer si oui ou non ils étaient satisfaits du résultat, et s’ils avaient réalisé facilement, rapidement et avec efficacité la tâche.

Quelques résultats

Du point de vue qualitatif, on observe que les quatre axes évalués sont relativement homogènes pour iOS et Android. Pour  Windows 7.5 en revanche on observe un déséquilibre au niveau de la rapidité. Parallèlement l’efficacité et la facilité présentent de même une baisse par rapport à l’axe de la satisfaction.

Graphique sous forme de radar des mesures qualitatives toutes tâches confondues

Mesures qualitatives toutes tâches confondues

 

Parmi les tâches réalisées, celles nécessitant l’accès aux paramètres pour la premières fois sur de Windows 7.5  peuvent expliquer en grande partie les moins bons résultats obtenus pour ce système d’exploitation. Ce point a été aussi mentionné lors de de la désactivation de la géolocalisation.

Données qualitatives obtenues pour la tâche de paramétrage du wifi

Données qualitatives obtenues pour la tâche de paramétrage du wifi

L’accès aux fonctionnalités

Parmi les remarques mentionnées par les utilisateurs, le côté « fouillis » de Windows 7.5. Une des hypothèses pour expliquer ce ressenti serait la présence de deux modes d’accès aux fonctionnalités non visibles directement depuis l’écran d’accueil : « glisser » pour faire défiler les fonctionnalités positionnées plus bas, ou « taper » sur la flèche pour accéder au menu de second niveau.

Capture de l’écran d’accueil Windows 7.5 affichant la flèche d’accès au menu de 2ème niveau

Capture de l’écran d’accueil Windows 7.5 affichant la flèche d’accès au menu de 2ème niveau

Feedback

Le feedback reste une valeur sûre. Dès lors que celui-ci est insuffisant, le ressenti utilisateur est impacté. On observe par exemple que l’absence de feedback et de confirmation de la prise en compte de l’envoi d’un SMS perturbe les utilisateurs. Cela se fait ressentir avec Android, lors de l’envoi d’un SMS.  La satisfaction et l’efficacité sont impactées car deux des trois utilisateurs n’ont pas été surs de l’envoi du SMS et lors de la désactivation de la géolocalisation.

Symbologie des icônes

Pour Windows 7.5, la symbologie du bouton « Envoyer » et les trois petits points « … » (qui permettent d’afficher un menu pour accéder à des fonctionnalités complémentaires) furent  source d’hésitation. Comme quoi le choix de l’iconographie est importante pour un bon guidage de l’utilisateur.

Capture de l’écran Windows 7.5 pour l’envoi d’un SMS

Capture de l’écran Windows 7.5 pour l’envoi d’un SMS

Affordance

Bien que l’usage du « taper » sur un élément de l’interface des mobiles semble se transposer d’un OS à l’autre, il n’en demeure pas moins que les utilisateurs souhaiteraient un peu plus d’affordance. Pour la tâche rappeler un contact, un utilisateur indique notamment « Pourquoi ne pas mettre le nom du contact directement sous forme de bouton ? ». Et oui, pourquoi pas ?

Homogénéité et cohérence

Lors du changement du fond d’écran, lorsque l’utilisateur affiche une photo, les trois points de suite « … » permettent d’afficher les options  dont « Utiliser comme papier peint ».  Mais aucune fonctionnalité n’est affichée par défaut sur le bas de  l’interface (ci-dessous), contrairement  à la tâche d’envoi de SMS vue précédemment (ci-dessus).

Capture écran de l’affichage d’une photographie

Capture écran de l’affichage d’une photographie

Satisfaction globale

A la fin de chaque passation avec l’un des Smartphones, et afin d’évaluer celle-ci indépendamment de la tâche, un questionnaire de satisfaction était posé aux testeurs.

SUS (System Usability Scale)

Ce questionnaire, assez classique en ergonomie, permet d’obtenir un score de satisfaction, allant de 1 à 100 points. Un score supérieur à 75 points est un excellent score. En deçà de 50, la satisfaction est négative.

Calcul de la satisfaction en nombre de points

Calcul de la satisfaction en nombre de points

On constate que :

  • Windows 7.5 avec son interface Metro reste en retrait par rapport à ses concurrents et que la satisfaction mesurée est en-dessous du seuil de 50.
  • iOS devance légèrement Android.
  • Tous les systèmes restent en-dessous des 75 points.

Les qualificatifs associés aux Smartphones

Il est demandé aux testeurs d’énoncer  3 adjectifs, ou expressions, leur venant en tête suite à la passation. Ces adjectifs ou expressions peuvent être positifs ou négatifs. Cela permet de cerner leur première impression.

Proportion en pourcentage d’adjectifs positif vs négatif utilisés pour définir l’OS

Proportion en pourcentage d’adjectifs positif vs négatif utilisés pour définir l’OS

On constate que :

  • Windows 7.5 avec son interface Metro reste en retrait par rapport à ses concurrents au niveau du taux de pourcentage de qualificatifs positifs.
  • iOS et Android ont une proportion de qualificatifs positifs identique et importante (72%) contre (44%) pour Windows 7.5.

Les adjectifs positifs mentionnés sont globalement les mêmes d’un système à l’autre : fluide, performant, intuitif, bien, sympa, rapide, simple, facile. Seul leur taux de rappel varie.

Les adjectif négatifs sont  pour :

  • iOS : fermé, compliqué (trop de choses), lourd (poids)
  • Android : long, énervant, compliqué, incertain (manque de feedback), « perfectionnable »
  • Windows 7.5 : complexe, mal conçu, trop épuré, peu intuitif, pas pratique, fastidieux, ennuyeux, fouillis, compliqué, long, austère, brouillon.

On observe que les adjectifs négatifs employés pour décrire  Windows 7.5 (complexe, mal conçu) font référence à :

  • l’organisation des menus (par exemple des difficultés à accéder à la rubrique « paramètres » qui n’est pas accessible à partir de l’écran d’accueil),
  • l’absence d’homogénéité (d’une tâche à l’autre les fonctionnalités sont présentes ou non)
  • l’absence d’affichage de la barre d’état (pour connaître l’état de charge de la batterie ou le niveau de réception).

Les « Geeks » seraient-ils plus exigeants ?

La variable profil utilisateur a-t-elle une influence sur la perception et le ressenti de l’OS Windows 7.5 ?

Comparatifs profils utilisateurs (en pourcentages)

Comparatifs profils utilisateurs (en pourcentages)

Il semblerait que oui. On observe que le pourcentage de réponses négatives aux questions posées après la réalisation de chaque tâche est supérieur pour les testeurs habitués à utiliser des Smartphones équipés de l’OS Android.

Il est à noter que parmi les testeurs recrutés pour ce profil quatre d’entre eux ont de fortes connaissances en développement informatiques. Certains ont mentionné spontanément avoir choisi Android pour son système ouvert. Il se pourrait ainsi que les utilisateurs ayant un background  de « Geek » soient enclins à être plus sévères avec l’approche proposée par Windows 7.5, contrairement aux profils utilisateurs non experts en développement informatique.

Les évocations

Les évocations sont une technique rapide et simple pour obtenir des informations concernant les éléments d’une page qui ont été compris (et donc retenus). Les éléments qui n’ont pas été compris et ceux que l’utilisateur n’a pas jugé utiles ou pertinents pour lui disparaissent purement et simplement de sa mémoire et ne sont donc pas représentés dans les croquis que l’on demande aux utilisateurs en fin de test. Les évocations permettent en outre de voir si les éléments sont dessinés au bon endroit (si ce n’est pas le cas, cela signifie que l’endroit choisi dans l’interface n’est pas celui que l’utilisateur considère normal pour ce contenu), si les labels sont corrects, si les images ont frappé l’utilisateur.

Fonctionnalités de l’écran d’accueil rappelées lors des évocations

Fonctionnalités de l’écran d’accueil rappelées lors des évocations

A la vue de ces observations, il semblerait que ce ne soit pas le nombre de fonctionnalités au départ qui détermine un bon rappel ou pas.

Un petit nombre de fonctionnalités (Android présente un écran d’accueil assez épuré) ne donne pas un meilleur rappel. Mais peut-être que leur organisation sur l’interface impacte-t-elle la mémorisation ?

iOS propose de nombreuse icônes mais celles-ci sont réparties en blocs logiques : les premières icônes en haut de la première « page » sont très fréquemment utilisées, et un bandeau inférieur, « fixe » sur tous les écrans, permet également d’accéder à d’autres fonctionnalités importantes et aux paramétrages. Il n’y a pas de double écran ou de raccourcis qui « téléportent » l’utilisateur ailleurs.

Ecrans d’accueil

Ecrans d’accueil des trois OS

Pour Windows 7.5, il semblerait qu’il soit plus difficile de se rappeler les fonctionnalités et leur emplacement. Cela est peut être lié au fait que celles-ci ne sont pas toutes visibles d’emblée, et qu’il est nécessaire de scroller pour les visualiser.

Est-on fidèle à son Smartphone ?

Il semblerait que oui. A la question « Lors d’un prochain achat, achèteriez-vous ce système ? » il apparait clairement que la réponse est non quel que soit le système testé.

Les utilisateurs des systèmes  iOS et Android sont satisfaits et habitués à utiliser leur Smartphone et ne changeront pas facilement de système d’exploitation.

Aucun des testeurs n’étant des utilisateurs de Windows 7.5, nous devrons attendre une prochaine étude pour avoir une réponse quant à leur fidélité !

Réponses obtenues à la question « Achèteriez-vous un Smartphone équipé de cet OS lors de votre prochain achat »

Réponses obtenues à la question « Achèteriez-vous un Smartphone équipé de cet OS lors de votre prochain achat »

Cependant, parmi les utilisateurs d’Android, deux seraient tentés par le système iOS pour sa fluidité, tandis que deux autres excluent la possibilité de changer car ils trouvent le système bridé (testeurs ayant des connaissances en développement).

Pour Windows 7.5 on n’enregistre pas de oui franc, mais 3 des 12 utilisateurs ayant testé ce système pourrait l’envisager, la porte n’est donc pas fermée !

Quelle marge de manœuvre pour Windows 8 ?

Les résultats obtenus laissent les coudées franches au nouveau venu de la famille Windows mobile.

En améliorant ou en veillant à quelques éléments d’interaction essentiels il est possible d’augmenter la satisfaction des utilisateurs sur l’interface métro de Windows mobile. Les quelques recommandations suivantes permettraient probablement à Windows 8 de gagner des points de satisfaction voire de se rapprocher et rattraper ses concurrents.

  • Proposer un accès direct aux fonctionnalités majeures (paramétrages, internet).
  • Ne proposer que les fonctionnalités nécessaires à la tâche en cours (moins il y a de choix, plus l’interaction semble simple)
  • Mais prévoir  d’afficher une barre d’état pour indiquer les informations pertinentes dans le cadre de l’utilisation d’un mobile (comme la réception wifi, l’état de charge de la batterie)
  • Pour les éléments pouvant donner accès à des fonctionnalités cachées, utiliser des visuels qui explicitent cet accès (ex : nom du contact sous forme de bouton lors de la réception d’un SMS)
  • Utiliser des symboles clairs et sans ambiguïté (les « … » sont sources de confusion, une petite flèche de type « plier/déplier » serait plus parlante).
  • Veiller au feedback utilisateur en utilisant des indicateurs ou éléments visuels pour confirmer les actions prises en compte (message bien envoyé, ou visualiser le message envoyé dans l’historique)

Quoi de neuf avec Windows phone 8 ?

Il est possible de réduire la taille des tuiles et ainsi d’augmenter le nombre d’éléments visibles sur l’écran d’accueil. L’affichage de la barre d’état permet de visualiser l’état de charge de la batterie et du niveau de réception wifi.  Ces points constituent sans nul doute des points d’améliorations par rapport à l’utilisabilité de la version précédente, mais suffiront-ils à combler le retard de Windows dans ce domaine…

Capture écran de l’interface d’accueil de Windows phone 8

Capture écran de l’interface d’accueil de Windows phone 8

(Source : http://www.windowsphone.com/fr-fr/celebrity/Cyril)

Toujours est-il que Windows  8 semble vouloir  se démarquer de ses concurrents en jouant la carte de la personnalisation. L’écran d’accueil  peut être « façonné » (agencement, choix et taille des tuiles). Puis les vignettes dynamiques  qui permettent  de suivre les actualités relatives aux contacts et intérêts de son propriétaire viennent compléter ce façonnage. Chaque Windows phone 8 n’est plus simplement un support de communication mais devient un prolongement et vecteur descriptif de la personnalité. Nul Windows  phone 8 ne ressemblera à celui de son voisin, dès lors que son utilisateur l’aura personnalisé.  « Montre-moi ton Windows phone, je te dirai qui tu es !» pourrait être l’apanage des psychologues de demain. Cet élargissement de l’angle de conception intégrant des éléments touchant à l’émotionnel  et la persuasion (personnalisation, privacité) contribuera-t-il à révéler l’attractivité  de cet OS, seul le temps le dira… Selon les premiers chiffres, plus de 2.5 millions Nokia Lumia 920 auraient été vendus en un mois. Ce chiffre serait un record de vente pour Nokia et laisserait présager que la nouvelle interface fasse mouche auprès des utilisateurs.

Si concernant l’exploitation sur PC les avis d’experts comme Nielsen sont plus que mitigés, peut être que Mobile Windows arrivera de son coté à tirer son épingle du jeu… Affaire à suivre de près !

Auteur/Autrice

  • Michèle Delacroix

    UX Lead, UX Designer - Michèle a une grande expérience dans l’analyse et l’optimisation d’IHM complexes (aéronautique, prévoyance…) et est l’interlocuteur privilégié de la Maitrise d’Oeuvre et de la Maitrise d’Ouvrage dans des projets d’envergure grâce à son écoute et à sa capacité à trouver les bons compromis. Michèle est également en charge de notre projet R&D « Technologies Usages et Interactions ».